mardi 1 août 2017

Le Saint-Esprit dans le Nouveau Testament, Première création : La Sainte Vierge Marie



Extrait de "Traité du Saint-Esprit" de Mgr Gaume :


L'Annonciation (El Greco)
Reliant l'action incessante et universelle du Saint-Esprit dans l'ancien monde, à son action également incessante et universelle dans le monde nouveau, deux grands docteurs, l'un de l'Orient, l'autre de l'Occident, s'expriment avec une précision qui porte dans l'âme, avide de la vérité, la lumière et la joie. « C'est au Saint-Esprit, dit saint Basile, que toutes les créatures du ciel et de la terre doivent leur perfection. Quant à l'homme, toutes les dispositions bienveillantes du Père et du Verbe Sauveur, qui peut nier qu'elles n'aient été réalisées par le Saint-Esprit ? Que vous considériez les temps anciens, les bénédictions des patriarches, la promulgation de la loi, les figures, les prophéties, les exploits militaires, les miracles des anciens justes, ou que vous regardiez tout ce qui concerne l'avènement du Seigneur dans la chair : tout a été fait par le Saint-Esprit (Lib. de Spir. sanct., cxvi, n. 39). »

Saint Léon n'est pas moins explicite. « Il n'en faut pas douter, écrit l'immortel Pontife : si au jour de la Pentecôte, l'Esprit-Saint a rempli les apôtres, ce ne fut pas le commencement de ses bienfaits, mais une augmentation de libéralité. Les patriarches, les prophètes, les prêtres, tous les saints qui vécurent dans les anciens temps, durent au même Saint-Esprit la sève sanctifiante qui fit leur force et leur gloire. Sans sa grâce, jamais signes sacrés ne furent établis, jamais mystères célébrés ; en sorte que la source des bienfaits fut toujours la même, bien que différente dans la mesure de ses dons (Serm. II de Pentecost). »

Or, les effusions partielles du Saint-Esprit sur les hommes et sur les femmes illustres de l'ancienne loi, sur la synagogue, sur le simple Juif lui-même, devaient aboutir dans la suite des temps à une effusion complète, manifestée par quatre grandes créations : la Sainte Vierge, Notre-Seigneur, l'Église et le Chrétien.

Première création du Saint-Esprit dans le Nouveau Testament, la Sainte Vierge. — Dieu a parlé à l'homme, et parlé pour l'instruire. Sa parole n'est donc pas, elle ne peut pas être un livre scellé. De là, l'indispensable nécessité d'une interprétation authentique. Cette interprétation ne se trouve nulle part, ou elle est dans la tradition universelle de la synagogue et de l'Église.

Cette tradition nous dit que toutes les femmes illustres de l'Ancien Testament sont des ébauches, des esquisses, des figures de la femme par excellence, Marie. Les dons qu'elles ne possédèrent qu'en partie et transitoirement, Marie les possède dans leur plénitude et d'une manière permanente.

Comme les différents cours d'eau qui arrosent la terre viennent se perdre dans l'océan : toutes les effusions partielles du Saint-Esprit, sur les femmes de la Bible, se donnent un rendez-vous dans la femme de l'Évangile, pour créer l'incomparable merveille de son sexe, la Vierge mère, Marie.

Ainsi qu'on voit la rose poindre dans le bouton, nous voyons Marie poindre dans Ève, la mère des vivants, l'irréconciliable ennemie du serpent dont elle écrasera la tête. Elle resplendit dans Rébecca, jeune vierge modeste, naïve, belle et pudique, recherchée entre toutes par le vénérable Abraham, pour le fils de sa tendresse, Isaac. Tous les siècles l'admirent dans la courageuse Judith, qui, au péril de sa vie, tue le cruel Holopherne, et sauve sa patrie. Esther présente un reflet de son incomparable beauté, de sa puissance sur le cœur du grand Roi, de sa compassion pour les malheureux, Salomon la chante avec tous ses attraits, toutes ses vertus, tous ses bienfaits, dans l'épouse immaculée du Cantique des cantiques.

Tous ces dons épars sont réunis dans Marie ; mais ce n'est pas assez. Placée par le Saint-Esprit entre le monde ancien et le monde nouveau, elle est comme un océan dans lequel viennent se confondre toutes les merveilles des deux Testaments. « Tous les fleuves, dit le Docteur séraphique, entrent dans la mer et la mer ne déborde pas : ainsi, toutes les qualités des saints se donnent rendez-vous dans Marie. Le fleuve de la grâce des anges entre dans Marie. Le fleuve de la grâce des patriarches et des prophètes entre dans Marie. Le fleuve de la grâce des apôtres entre dans Marie. Le fleuve de la grâce des martyrs entre dans Marie. Le fleuve de la grâce des confesseurs entre dans Marie : tous les fleuves entrent dans cette mer, et cette mer ne déborde pas. Qu'y a-t-il d'étonnant que toute grâce coule dans Marie, puisque toute grâce découle de Marie (In Specul. B. M. V.t  post Med.) ? »

Quel est cet océan ? Cet océan sans limites et sans fond se compose de toutes les richesses de la nature et de la grâce, de toutes les vertus théologales et cardinales, de tous les dons du Saint-Esprit et de toutes les grâces gratuites, dans un degré superéminent. « Le Verbe incarné, dit saint Thomas, posséda dans sa perfection la plénitude de la grâce ; mais elle fut commencée dans Marie (III p. q. art. 3, ad 2). »

Quant aux grâces gratuites, c'est-à-dire qui sont données pour l'utilité des autres, afin de travailler à leur salut, soit en opérant leur conversion, soit en assurant leur persévérance, voulons-nous connaître, sous ce rapport, les richesses de Marie ? Écoutons saint Paul spécifiant les neuf espèces de grâces gratuites, distribuées aux différents membres de l'Église. « Les uns, dit-il, reçoivent l'esprit de sagesse ; les autres, l'esprit de science ; les autres, le don de la foi ; les autres, la grâce de rendre la santé aux malades ; les autres, de faire des miracles ; quelques-uns, le don de prophétie ; les autres, le discernement des esprits ; les autres, le don des langues, et les autres, l'intelligence pour interpréter aisément les Écritures (I Cor., XII, 8). » Posséder une seule de ces grâces insignes suffit pour être éminent dans l'Église.

Or, saint Thomas, suivi de la théologie catholique, enseigne que Marie les avait toutes, en habitudes ou en actes. « Il ne faut pas douter, dit-il, que la bienheureuse Vierge n'ait reçu excellemment le don de sagesse et des miracles, ainsi que l'esprit de prophétie. Toutefois elle n'a pas reçu l'usage de toutes les grâces gratuites : c'est le privilège exclusif du Verbe incarné. Elle a exercé celles qui étaient convenables à sa condition. Ainsi, elle a reçu le don de sagesse, pour s'élever à de sublimes contemplations ; mais elle n'en a pas eu l'usage pour prêcher publiquement l'Évangile, parce qu'il n'était pas convenable à son sexe.

« Elle possédait vraiment le don des miracles ; mais elle n'en a pas eu l'usage, surtout pendant que son Fils lui-même prêchait l'Évangile. Il était convenable, en effet, que pour confirmer sa doctrine, lui seul fît des miracles, en personne ou par ses organes accrédités, les disciples et les apôtres. De là vient ce qui est écrit de Jean-Baptiste lui-même, qu'il n'a fait aucun miracle. Il en devait être ainsi, afin que l'attention du peuple ne fût point partagée entre plusieurs, mais que tous les yeux fussent tournés vers le Verbe divin. Quant au don de prophétie, Marie en a fait usage dans son immortel cantique (III p., q. 27, art. 5, ad 3). »

Comme les rayons du soleil colorent, en le traversant, un nuage diaphane ; les beautés intérieures de la fille du Roi rayonnaient sur son corps virginal et lui donnaient une grâce incomparable. Marie fut plus belle que Rachel, plus belle que Rébecca, plus belle que Judith, plus belle qu'Esther, plus belle que toutes les beautés de l'ancien monde. De même que Notre-Seigneur fut le plus beau des fils des hommes, Marie fut la plus belle des filles des hommes. Type parfait de la beauté morale, elle fut le type également parfait de la beauté physique (B. Albert magn., apud Canisium, De Maria Deip., lib. I, c. xiii, p. 92, edit. in-folio).

Par qui a été formé cet océan de perfections ? Par le Saint-Esprit. Marie est ce que nous venons de dire, et mille fois plus encore, parce que, de toutes les créatures du ciel et de la terre, des temps passés et des siècles futurs, elle est la seule en qui la troisième personne de l'auguste Trinité soit survenue avec la plénitude de ses dons. Si vous demandez dans quel but le Saint-Esprit s'est ainsi reposé en Marie, les anges et les hommes répondent : Parce que Marie devait être son épouse, la mère du Verbe incarné, la base de la Cité du bien, la femme par excellence, mère d'une lignée perpétuelle de femmes héroïques.

Méditons le Fiat créateur de Marie. « L'ange Gabriel fut envoyé de Dieu dans une ville de Galilée, appelée Nazareth, à une vierge, mariée à un homme, nommé Joseph, de la maison de David ; et le nom de cette vierge était Marie. Et Fange, venant vers elle, dit : Je vous salue, pleine de grâce, le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre les femmes (Luc, I, 28). »

Remarquons-le bien, l'ange ne dit pas : Vous serez pleine de grâce, mais : Vous êtes pleine de grâce et bénie par-dessus toutes les femmes. Les perfections ineffables de Marie ne datent pas de la visite du céleste ambassadeur. Ce n'est pas à lui qu'elle les doit ; elle les possède sans lui et avant lui.

Après s'être exercé, comme en se jouant, à mille préludes, le divin architecte avait, en créant Marie, construit son vivant sanctuaire. Dès le premier instant de son existence, il avait orné sa future épouse de la plénitude de la grâce. Objet de ses complaisances infinies, elle était sa colombe, unique, toute belle, sans tache, ni ombre de tache, blanche comme le lis, gracieuse comme la rose, brillante comme le saphir, transparente comme le diamant. Telle était Marie au moment de la visite de Fange ; telle elle avait toujours été. Jamais, ni à sa conception, ni à sa naissance, ni pendant sa vie, le souffle impur du prince de la Cité du mal n'avait effleuré celle qui devait lui écraser la tête.

Nous n'avons plus à prouver la possession plénière et perpétuelle de la grâce par Marie, depuis que l'Église, résumant la croyance universelle des siècles, a formulé en dogme de foi la Conception Immaculé de l'épouse du Saint-Esprit. Il nous reste seulement à dire avec Fange, dans les transports de la reconnaissance et de la foi : Je vous salue, pleine de grâce : Ave gratia plena.

Reprenons l'histoire de cette création, bien plus merveilleuse que celle du ciel et de la terre, Gabriel ajoute : « Ne craignez point, Marie ; vous concevrez en votre sein et vous enfanterez un fils. Le Saint-Esprit surviendra en vous, et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. C'est pourquoi le Saint qui naîtra de vous s'appellera le Fils de Dieu (Luc , I, 29). »

La langue des anges serait impuissante à expliquer . ces profonds mystères : que peut la langue de l'homme ? La première chose qui frappe dans le message angélique, c'est la parole : Ne craignez point, Marie. Quel en est le sens et la raison ? « Vous venez d'entendre, répond un Père de l'Église, que par un incompréhensible mystère, Dieu et l'homme seront mis dans un même corps, et que la fragile nature de notre chair doit porter toute la gloire de la Divinité. De peur que dans Marie le grain de sable de notre corps, ne fût écrasé sous le poids immense du céleste édifice, et que Marie, tige délicate, destinée à porter le fruit de tout le genre humain, ne fût brisée, l'ange commence par bannir toute crainte en disant : Ne craignez point, Marie (S. Pet. Chrys., Ser. CXLII, De Annuntiat.).

Pourquoi la jeune vierge de Juda doit-elle être sans crainte ? L'ange s'empresse de le dire en lui annonçant le concours des trois personnes de la Trinité. Le Père paraît comme soutien, le Saint-Esprit comme époux, le Verbe comme fils. Pourquoi ce concours si expressément indiqué ? Les interprètes répondent : « Jusqu'à Marie, les illustres filles de Juda avaient reçu le Saint-Esprit partiellement, pour une mission particulière ; la Vierge-Épouse doit recevoir du Saint-Esprit toute la substance du Verbe éternel, le Verbe lui-même en personne, le Créateur des mondes. Gabriel connaît le poids écrasant du miracle. Aussi il ne se contente pas de dire : Le Saint-Esprit surviendra en vous, il s'empresse d'ajouter ; Et la vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre. Elle le fera d'une manière ineffable , afin que vous puissiez soutenir le poids de votre conception. Que devait en effet concevoir cette jeune vierge, deux fois fragile par son sexe et par sa condition mortelle ? Le Tout-Puissant, Verbe de Dieu, la solide substance de l'Éternel, découlée de la pure substance de Dieu le Père, et dont le seul aspect fait trembler les anges. Il est donc bien dit : Vous serez soutenue par la vertu du Très-Haut, vertu puissante en miracles, seule capable d'associer la substance d'une femme au Verbe Dieu (Rupert., De Trinit. et oper. ejus, lib. XLII, De Spir. sanct., lib I, c. ix). »

Un savant panégyriste de la Sainte Vierge, le père d'Argentan donne une nouvelle raison de ce concours empressé. Rappelant le mot de saint Hésychius de Jérusalem, qui dit qu'en Marie était le complément de toute la Trinité (Ser., de S. Maria Deip.), il écrit le commentaire suivant : « Il est vrai, en quelque façon, que Marie donne aux trois personnes de l'adorable Trinité un certain complément de perfection, qu'elles n'auraient jamais eu sans elle et qui va du moins à la gloire extérieure de Dieu.

« Commençons par le Père. On ne peut pas douter qu'il ne possède la perfection infinie de la divine paternité, puisqu'il communique tout son être à son fils unique. Mais ce Fils, lui étant égal en toute chose, ne peut lui rendre aucun des devoirs de la piété filiale, service, obéissance, respect. Ne semble-t-il pas, selon nos faibles idées, que ce serait un complément d'honneur pour le Père, si ce même Fils, demeurant toujours dans la possession de la majesté infinie, lui obéissait et lui rendait de profonds hommages ? Se voir adoré par un Dieu aussi grand que lui, quelle gloire ! Qui la procure au Père ? Marie. Le Père qui voit avant tous les siècles son fils naître de son sein, son égal, le voit dans le temps naître du sein de Marie, son inférieur, tellement dévoué et tellement soumis, qu'il lui donnera sa propre vie sur une croix. Peut-on nier qu'à l'égard du Père, l'auguste Vierge ne soit le complément de la Trinité : universum Trinitatis complementum ?

« Quant au Fils, même raisonnement. Éternellement il possède toutes les perfections, puisqu'il est Dieu de Dieu, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu. Mais ce Verbe éternel de Dieu demeure caché dans le sein de Celui qui l'a produit. Or, cette parole vivante de Dieu est, comme celle de l'homme, susceptible de deux naissances : l'une intérieure, l'autre extérieure. La première a lieu lorsque notre esprit conçoit une pensée qu'il garde en lui-même. C'est ce que saint Athanase appelle le verbe ou la parole de l'entendement, verbum mentis. La seconde se fait lorsque, au moyen d'une parole sensible, nous produisons au-dehors notre pensée. Cette parole extérieure, seconde naissance de l'intérieure lui donne son complément.

« Ainsi de la Parole éternelle. Née dans le sein du Père, elle était en lui avant tous les siècles. Nul ne la connaissait, mais elle était capable d'une seconde naissance qui l'exposât au-dehors et la rendît sensible. Selon notre manière de comprendre, cette seconde naissance lui donnait son dernier complément. Or, Marie a été la bouche par laquelle le Père a produit son Verbe au-dehors. C'est elle qui lui a donné un corps, et l'a rendu visible et sensible. Elle peut donc être nommée à l'égard du Fils aussi bien qu'à l'égard du Père, le complément de la Trinité : universum Trinitatis complementum.

« La chose est encore plus palpable à l'égard du Saint-Esprit. Dieu, il possède toutes les perfections, toute la bonté, toute la fécondité qui est dans le Père et dans le Fils. La fécondité du Père paraît dans la génération éternelle de son Fils unique ; la fécondité du Père et du Fils éclate dans la production du Saint-Esprit. Seule, cette troisième personne, aussi riche en fécondité que les deux autres, demeure stérile, lui étant impossible de produire une quatrième personne de la Trinité. Marie fera disparaître cette infériorité apparente. Grâce à elle, le Saint-Esprit deviendra fécond : il produira un Dieu-Homme ou un Homme-Dieu, chef-d'œuvre de puissance et d'amour. Ne semble-t-il pas qu'en cela l'auguste Vierge lui donne un surcroît de gloire, et qu'une troisième fois elle mérite d'être appelée le complément de toute la Trinité : universum Trinitatis complementum (Grandeurs de la Sainte Vierge, c. I, § 3) ?»

Nous verrons bientôt ce que produira dans Marie elle-même le concours empressé des trois personnes divines.

Marie est créée, créée par le Saint-Esprit (B. Albert magn., apud Dionys, Carth., De laudib. Virg., lib 1, c. XIII) ; créée chef-d'œuvre unique de la Puissance infinie. « Vers vous, lui crie saint Bernard, comme vers l'arche de Dieu, comme vers la cause et le centre des événements, comme vers l'affaire de tous les siècles, negotium omnium saeculorum, tournent leurs regards et les habitants des cieux et les habitants de la terre, et ceux qui nous ont précédés, et nous qui passons, et ceux qui nous suivront, et les enfants de leurs enfants. Toute la création fixe les yeux sur vous, et c'est avec raison. De vous, en vous, par vous, la main bienfaisante du Tout-Puissant a régénéré tout ce qu'elle avait créé (Ser. II, de Pentecost).

Le Créateur lui-même contemple son ouvrage avec des complaisances infinies. Marie est créée pour être l'épouse du Saint-Esprit et la mère du Verbe. Le mariage suppose le libre consentement des parties ; voyons de quelle manière est sollicité celui de l'auguste vierge. Les trois personnes de la Sainte Trinité envoient un ambassadeur, chargé de la demander en mariage. Étonnée de tant d'honneur, Marie se trouble ; mais elle fait ses conditions et traite avec Dieu même d'égale à égal. Je consentirai, dit-elle, à la condition de conserver intact le lis de ma virginité. Ainsi, une jeune fille de douze ans tient en ses mains le salut du monde. De sa volonté dépend l'accomplissement de l'œuvre à laquelle se rapportent, dès l'éternité, tous les divins conseils.

L'auguste Trinité paraît en suppliante devant Marie. Ineffable démarche ! qui contient toute une révolution morale. La femme, jusqu'alors l'être le plus abject, devient tout d'un coup l'être le plus respecté. Le genre humain aura-t-il un Sauveur ? La réponse d'une femme en décidera. Marie réfléchit. Et acceptant le double titre d'épouse du Saint-Esprit et de mère du Verbe, elle sait qu'elle accepte celui de reine des martyrs. Devant ses yeux se déroule une longue suite de sanglantes et lugubres images : la crèche, la croix, le calvaire, seront pour elle, car ils seront pour son fils.

« Consentez, consentez, lui crie saint Augustin, ne retardez pas le salut du monde. L'ange vous a donné sa parole : vous resterez vierge, et vous serez mère ; vous aurez un fils, et votre virginité ne souffrira aucun dommage. Heureuse Marie ! tout le genre humain captif vous supplie de consentir. Le monde vous établit auprès de Dieu l'otage de sa foi. Ne tardez pas ; répondez un mot à l'ambassadeur ; consentez à devenir mère, engagez votre foi, et vous connaîtrez la vertu du Tout-Puissant (Ser. xviii, de Sanct. - S. Bern., Ser. III, sup. missus). »

Marie a incliné doucement sa tête virginale. Elle a dit : Je suis la servante du Seigneur, qu'il me soit fait suivant votre parole. Elle est épouse, elle est mère ; et sa couronne nuptiale est une couronne d'épines, et ses joies maternelles sont le commencement d'un long martyre. En attendant, le monde est sauvé, sauvé par une femme ; et l'anathème, quarante fois séculaire, qui pesait sur la femme est levé pour toujours, car la femme désormais paraît à la tête de tout bien.

Cependant le Saint-Esprit est survenu dans Marie, et l'être saint qui naîtra d'elle sera appelé le Fils de Dieu. Pourquoi le Fils de Dieu, et non le Fils du Saint-Esprit ? Par la bouche des docteurs, la foi catholique répond : Il ne sera pas appelé et il ne sera pas le Fils du Saint-Esprit, parce qu'il ne sera pas formé de la substance du Saint-Esprit. Sa chair sera la chair de Marie, et Marie sera sa mère ; mais, sa chair n'étant pas formée de la substance du Saint-Esprit, le Saint- Esprit ne sera pas son père.

Remarquons la précision merveilleuse du langage divin. L'ange ne dit pas : Il sera appelé, ou : Il sera saint ; mais il dit : L'être saint qui naîtra de vous, sera appelé le Fils de Dieu. En effet, celui que Marie conçoit était depuis longtemps ; il était saint par essence et Fils de Dieu. Il restait donc à l'appeler ce qu'il était, et en l'appelant à manifester qu'il était Fils de Dieu, non par adoption, mais par nature.

« L'ange ne dit pas : Le saint qui naîtra de vous, mais : La chose sainte, l'être saint qui naîtra de vous. Pourquoi ? Parce qu'un grand nombre sont appelés saints ou sanctifiés, mais il n'y a qu'une chose sainte, un être saint, la sainteté même, d'où émane celle de tous les saints. Cet être saint est le saint des saints, le Fils de Marie. Étranger à la prévarication d'Adam, conçu par l'opération du Saint-Esprit, né d'une vierge sans tache, il n'a eu besoin, ni à sa conception, «ni à sa naissance, d'une sanctification accidentelle, mais il est saint par essence et la sainteté même (Rupert., De Spir. sanct., lib, I, c, x). »

Voilà donc la jeune vierge de Juda, devenue l'épouse du Saint-Esprit, la mère du Verbe, la parente de toute la Trinité, consanguinea Trinitatis. Tant de gloire n'est pas pour elle seule. Gomme Ève et Adam furent les bases de la Cité du mal, Marie et son Fils seront les bases de la Cité du bien, élevée sur la terre à sa plus grande perfection. Connue dans le monde entier sous le nom incommunicable d'Église catholique, cette glorieuse cité reconnaît Marie pour sa mère et sa maîtresse. Aux Chinois, aux Thibétains, aux sauvages d'aujourd'hui, comme aux Grecs et aux barbares d'autrefois, qui lui demandent son origine, elle répond : Je suis fille du Verbe éternel conçu du Saint-Esprit et né de la vierge Marie : conceptus de Spiritu sancto, natus ex Maria virgine.

Mère et maîtresse de l'Église, cette prérogative de Marie explique un mystère autrement inexplicable. Quand on connaît l'affection réciproque de Jésus et de Marie, on se demande avec étonnement, pourquoi le Sauveur montant au ciel n'y conduit pas avec lui sa mère bien-aimée ? Plus que personne n'avait-elle pas partagé ses travaux, ses humiliations et ses souffrances ? Qui donc méritait mieux d'être associée à ses gloires et à ses joies ? Pendant.que lui-même, le meilleurs des fils, va jouir d'un bonheur sans mélange et sans fin, pourquoi laisse-t-il la plus tendre des mères dans les tristesses de l'exil ? Les Justes de l'Ancien Testament, qui forment son cortège, sont-ils de meilleure condition que Marie ? Leurs désirs du ciel, plus vifs que les siens ? Le bon larron lui-même monte au ciel, et Marie reste sur la terre ! Quel est le mystère d'une semblable conduite ?

En retournant à son Père, Notre-Seigneur laissait l'Église au berceau. Petite et tendre enfant, elle avait besoin de lait et de soins maternels : il lui donne sa mère pour nourrice, ecce Filius tuus. Toujours dévouée, Marie accepte cette fonction qui prolongera son exil, et s'en acquitte avec une sollicitude ineffable. De ses prières, de ses exemples, de ses leçons, elle nourrit la jeune épouse de son fils, comme elle avait nourri de son lait virginal l'époux de l'Église, pendant qu'il était enfant.

Ainsi que dans une maison, en l'absence ou après la mort du père, la mère prend soin de la famille et en fait les affaires ; de même, le chef de l'Église ayant cessé d'être visiblement présent au milieu d'elle, c'est Marie qui le remplace (Corn, a Lap., in Act.. v, 42). Voilà pourquoi les apôtres et les disciples l'entourent de leurs respects et de leur obéissance filiale. Cette mission de Marie explique sa présence au Cénacle avec les apôtres et ses prières continuelles pour leur obtenir le Saint-Esprit (Dionys. Carthus., lib. IV, De praecon. B. M. V.).

Elle explique la fidélité des apôtres à la consulter dans les affaires importantes. Possédant à elle seule plus de grâces et de lumières que tout le collège apostolique, lorsque les organes du Verbe ont besoin d'un supplément d'instruction, ou d'un témoignage pour confirmer l'interprétation des Écritures, ils ont recours à celle qui, pendant neuf mois, fut le siège vivant de la sagesse, Sedes sapientiae. Delà vient que saint Bonaventure appelle Marie la maîtresse des maîtres, la maîtresse des Évangélistes (S. Bonav., in Psalt. Mar.).

Les beaux jours de la primitive Église nous la montrent dans l'exercice plénier de cette prérogative. Sa parole souveraine éclaircit tous les doutes, son autorité maternelle ramène toutes les divergences à l'unité. C'est elle qui, au concile de Jérusalem, tranche la question des observances légales : question délicate, vivement discutée, cause de troubles sérieux pour l'Église naissante et qui, même un instant, avait divisé Paul et Céphas. « Non pas, dit Rupert, que Marie ait présidé le concile ; une pareille fonction ne convenait pas à une femme, mais elle en avait dicté les décrets (In Cant. lib. I ; et Corn, a Lap., in Act.t xv, 13). »

C'est elle qui, avant la dispersion des apôtres, ouvre sa bouche au milieu de l'assemblée des Saints et envoie, comme la rosée, les paroles de sa sagesse pour éclairer les princes de l'Église (Eccl. xv, 5. - Ps. civ., 21). Comment les apôtres et les disciples auraient-ils pu connaître, si la Sainte Vierge ne les en avait instruits, les mystères de la sainte enfance et de la vie cachée de Notre- Seigneur ? Quelle autre que la divine Mère pouvait leur raconter l'annonce du Précurseur, la visite de Gabriel et son entretien avec Marie, la visite à sainte Élisabeth, la sanctification de Jean-Baptiste dans le sein de sa mère, le cantique virginal, la naissance admirable de Jean-Baptiste et le cantique de Zacharie, la naissance du Sauveur, sa circoncision, sa présentation au Temple, le cantique et la prophétie de Siméon, l'arrivée des mages, la fuite en Égypte, le retour à Nazareth, l'enseignement de Jésus au Temple, sa soumission à ses parents et une foule d'autres particularités ?

Où étaient les témoins de ces mystères, accomplis la plupart dans le secret de la vie domestique ? Qui les connaissait comme Marie ? Elle seule pouvait les apprendre aux apôtres. Ceux-ci, à leur tour, en ont instruit le genre humain, en consignant dans l'Évangile le récit de l'auguste Mère. Saint Luc en particulier s'attache à décrire les premières circonstances de l'incarnation du Verbe. « J'ai écrit, dit-il, d'après le récit de ceux qui ont vu de leurs yeux, dès le commencement, et qui ont été les ministres du Verbe (Luc, I, 2). » Sans doute il existait encore beaucoup de témoins qui avaient assisté au commencement de la prédication du Sauveur, qui avaient vu ce qu'il faisait et entendu ce qu'il disait ; mais jusqu'à sa trentième année, Marie seule le savait, seule elle pouvait le dire, puisqu'à l'époque où saint Luc écrivait, saint Joseph était mort depuis longtemps (Serm. LIV, Marian., p. 224, in-folio. Benevento, 1728). De là vient que saint Luc, historien de la vie cachée, est appelé le secrétaire de la Sainte Vierge, Notarius Virginis.

Ainsi, pour emprunter le langage de saint Hilaire, Marie seule apprit aux apôtres ce qui fut dès le commencement, ce qu'elle entendit, ce qu'elle vit de ses yeux. Ce qu'elle contempla, ce que ses mains touchèrent du Verbe de vie, ce qu'elle avait vu dans le secret, elle le manifesta publiquement. Ce que ses oreilles seules avaient entendu, elle l'annonça sur les toits, afin que les prédicateurs apostoliques le fissent connaître au monde entier (Can. x in Matth.). « Quelle reconnaissance nous devons à Marie, ajoute Eusèbe Émissène, pour avoir gardé tant de vérités importantes, que nous n'aurions jamais sues sans elle : Nisi enim ipsa conservasset, non ea haberemus. »

De son côté, saint Bernard, sondant avec sa pénétration ordinaire les mystères de Marie, demande pourquoi l'archange Gabriel lui annonce l'état de sainte Élisabeth ? Il répond : « L'état de sainte Élisabeth est manifesté à Marie, afin qu'étant informée tour à tour de l'arrivée du Précurseur et de l'arrivée du Verbe, elle connût le temps et l'ordre des événements, de manière à pouvoir plus tard révéler aux apôtres et aux évangélistes, la vérité dont elle avait été dès l'origine pleinement et divinement instruite (Hom. iv sup. Miss.). »

Non seulement l'auguste Mère nourrit la jeune Église des plus doux et des plus importants mystères, elle la fortifie, la console et lui assure une glorieuse immortalité. La Passion de son divin Fils ne doit pas finir au Calvaire. Là, elle ne fait que commencer, pour se perpétuer dans les frères du Verbe incarné, sur tous les points du globe, jusqu'à la fin des siècles. Le jeune et courageux diacre Étienne est arrêté, jugé, condamné à mort. Marie ne l'abandonne pas plus qu'elle n'avait abandonné son fils montant au Calvaire. Descendue au fond de la vallée de Josaphat, non loin du torrent de Cédron ; où le jeune diacre doit être lapidé, la douce Vierge, accompagnée de saint Jean, se met à genoux et les prières de la Reine des martyrs obtiennent la palme de la victoire au premier des martyrs (Corn. a Lap., in Act. VII, 57).

Le feu de la persécution s'allume de plus en plus : les apôtres ont besoin de conseils, les fidèles de consolations. Marie se fait toute à tous ; l'église de Jérusalem est une famille dont elle est la mère. Autour d'elle se réunissent ses enfants ; chacun lui expose ses douleurs et ses craintes. Nul ne la quitte sans être éclairé et consolé (S. Ignat. martyr. Epist. apud Canis., De Maria Deip.t lib. V. c. I). Heureux entretiens ! dont une heure s'achèterait au prix d'une vie de quatre-vingts ans. Ce que saint Augustin dit de sa bonne mère, doit à plus forte raison se dire de Marie : « Elle était, ô mon Dieu ! la servante de vos serviteurs, elle prenait soin d'eux, comme si tous avaient été ses fils, et elle se prêtait à leurs désirs comme si de tous elle avait été la fille (Confess., lib. IV, c. ix). »

La mission de consoler l'Église, de l'encourager, de la protéger, ne finit pas avec la vie mortelle de la Sainte Vierge. Impérissable comme la parole qui en est le titre, elle durera autant que les siècles. Voilà votre enfant, ecce filius tuus, lui dit le Sauveur mourant. Tant que cet enfant voyagera dans la terre d'exil, exposé aux attaques du prince de la Cité du mal, il aura besoin de vous ; vous lui tiendrez lieu de mère, ecce filius tuus. La fidélité de Marie au divin mandat est écrite dans toutes les pages de l'histoire.

D'une part, l'Église n'hésite pas à lui faire hommage de la destruction de toutes les hérésies : cunctas haereses sola interemisti in universo mundo. D'autre part, elle lui donne le nom glorieux de Secours des chrétiens : Auxilium christianorum. Par les splendides sanctuaires élevés en son honneur sur tous les points du globe, par les manifestations enthousiastes de leur confiance filiale, de leur amour et de leur reconnaissance, les individus et les peuples répètent, depuis l'origine du christianisme, d'une voix que jamais l'impiété ne pourra réduire au silence : Marie est le secours des chrétiens, la colonne de l'Église, la terreur de Satan, l'espérance des désespérés, la consolatrice des affligés, la santé des malades, le salut du monde, la pierre angulaire de la Cité du bien.

La synagogue fait écho à l'Église, et, par la bouche de ses docteurs, elle proclame les gloires, la puissance et les beautés de la Vierge de Juda. « C'est, disent-ils, par amour pour la Vierge immaculée que Dieu a créé le monde. Non seulement il l'a créé par amour pour elle, mais par amour pour elle il le conserve. Depuis longtemps, les crimes du monde l'auraient fait périr, si la puissante intercession de la douce Vierge ne l'avait sauvé (Cor. a Lap., in Prov. VIII, 22). » Saint Bernard montre que la foi la plus orthodoxe ne trouve aucune exagération dans les paroles des rabbins, lorsqu'il s'écrie : « C'est pour Marie que toute l'écriture a été faite ; pour elle que tout l'univers a été créé. Pleine de grâce, c'est par elle que le genre humain a été racheté, le Verbe fait chair, Dieu humble et l'homme Dieu (Serm. v in Salve Regina). »

Épouse du Saint-Esprit, Mère du Verbe, pierre angulaire de la Cité du bien, chef-d'œuvre de beauté intérieure et extérieure, Marie est la perle de l'univers. Tant de glorieuses prérogatives sont-elles le dernier mot de sa création ? Nullement. Par un privilège unique, Marie réunit en elle les deux gloires incompatibles de la femme, la virginité et la maternité. Vierge et mère, mystère de sainteté et mystère d'amour ; mystère de grâce, de pudeur, de timide modestie et mystère de courage et de dévouement sublime ; type d'une femme nouvelle, inconnue de l'ancien monde ; souche éternellement féconde d'une glorieuse lignée de femmes, vierges par leur pureté sans tache et mères par l'héroïsme de leur charité : telle est Marie et telle elle devait être (S. Bern., Serm. iv in Assumpt.).

Depuis la prévarication primitive, un anathème spécial pesait sur la femme : il fallait qu'une femme vînt le lever. Il le fallait, afin que le Prince de la Cité du mal eût la honte d'être vaincu par celle-là même, dont il s'était fait un instrument de victoire. Il le fallait, pour que la femme, principale cause de la ruine de l'homme, le devînt de son salut. Coupable messagère du démon, elle avait porté la mort à l'homme ; bienfaisante messagère de Dieu, elle devait lui rapporter la vie (S. Aug., De Symbol, ad catechum., tract, III, § 4). Le genre humain le savait ; toutes les traditions de l'ancien monde plaçaient la femme à la tête du mal ; toutes les traditions du monde nouveau devront la placer à la tête du bien.

En se redisant les unes aux autres : C'est la femme qui est la cause de tous nos malheurs (Eccles., xxv, 33.), les générations antiques avaient accumulé sur la tête de la femme, une masse de haine et de mépris, qui avait fait de l'ancienne compagne de l'homme le plus abject et le plus misérable des êtres. En se répétant jusqu'au seuil de l'éternité : C'est à la femme que nous devons tous nos biens, les générations nouvelles environneront la femme d'une vénération et d'une reconnaissance, qui en feront l'être le plus respecté et le plus saintement aimé de tous ceux que Dieu a tirés du néant.

Vierge et mère, Marie est ce que fut la femme dans la pensée du Créateur : l'aide de l'homme, semblable à lui : Adjutorium simile sibi. Elle-même enfante des filles semblables à elle, mères comme elle, et mères dignes de ce nom ; vierges comme elle, et vierges dignes de ce nom. Comme Marie avait résumé en elle toutes les gloires des femmes bibliques, ses préparations et ses figures ; ainsi elle communique ses qualités aux femmes évangéliques, sa continuation et son prolongement. Toutes sont ses filles ; mais quelles que soient leurs richesses et leurs beautés, Marie les surpasse toutes. Agnès est sa fille, Lucie est sa fille, Cécile est sa fille, Agathe est sa fille, Catherine est sa fille. Toutes ces vierges, toutes ces femmes resplendissantes de vertus, riches de mérites et de gloires, sont filles de Marie, mais elle les surpasse toutes (S. Bonav., in Specul., c. II).

Il faudrait parcourir les annales de tous les peuples catholiques, si l'on voulait nommer ces femmes nouvelles, glorieuses filles de Marie ; ces mères de famille si grandes, si respectées, si chéries et si dévouées ; ces vierges héroïques, fleurs gracieuses du jardin de l'Époux ; abeilles infatigables qui, des vertus les plus rares, composent un baume souverain pour toutes les maladies.

Regardez plutôt, et voyez tout ce que le monde doit à la femme régénérée par Marie. Il lui doit la famille: et c'est à la famille que la société chrétienne est redevable de toute sa supériorité. La femme est une puissance chrétienne. Cet élément de civilisation manquait au monde antique ; il manque encore au monde idolâtre ; et avec lui manque et manquera toujours la civilisation. Il lui doit la variété la plus touchante de services gratuits pour tous les besoins de l'âme et du corps. Il lui doit la conservation de ce qui reste de foi sur la terre. La première aux catacombes, la femme est la dernière au pied des autels. Il lui doit, aujourd'hui même, le spectacle peut-être le plus beau, mais à coup sûr le plus mystérieux qu'il ait jamais vu.

Jusqu'ici les femmes et les vierges catholiques, filles et sœurs de Marie, étaient restées dans l'intérieur du foyer domestique ; jamais, du moins, elles n'avaient franchi, pour l'apostolat, les frontières du monde civilisé. Tout à coup l'Esprit du Cénacle s'est répandu sur elles. Son ardeur les anime, sa force les soutient. Transformées comme les apôtres, elles volent à la conquête des âmes. Timidité, délicatesse, préjugés, liens du sang, tout a disparu : la femme fait place à l'héroïne.

Comme ces graines légères, qu'aux jours d'automne le vent promène dans toutes les directions, afin de donner naissance à des pépinières de fleurs et d'arbustes, elles vont, portées sur l'aile de la Providence, se reposer aux quatre coins du monde. À leur vue, l'Arabe, le Chinois, le Musulman, le Sauvage, restent frappés de stupeur. Ils demandent naïvement si elles sont des femmes et non pas des anges descendus du ciel en ligne droite ! Tant de vertus héroïques dans un sexe qu'ils n'ont jamais su que mépriser, est pour eux un mystère palpable qui les dispose à croire tous les autres.

Marie, étant ce qu'elle est, faisant ce que nous savons et beaucoup plus encore, on peut prévoir à quel degré de puissance et de perfection son influence élèvera la Cité du bien. Mieux que l'homme, Satan l'avait compris. L'anathème primitif lui était toujours présent: lui, l'orgueil incarné, avoir un jour la tête écrasée par une femme ! cette pensée monte sa haine jusqu'au paroxysme. Pendant quatre mille ans, il se venge de la femme, en l'outrageant de toutes manières. Ce n'est pas assez ; à tout prix il veut empêcher la victoire qu'il redoute.

La femme dont le pied lui brisera la tête sera Vierge et Mère de Dieu : il le sait. À faire méconnaître Marie et à paralyser son action salutaire sur le monde, il emploie tous ses artifices. Grand singe de Dieu, longtemps d'avance, il multiplie chez tous les peuples, les caricatures de l'auguste Vierge : « De peur, dit-il, que mon Ennemie ne soit reconnue et honorée comme la Mère de Dieu, j'inventerai une autre mère de Dieu. » Et dès la plus haute antiquité il invente Cybèle, la mère de tous les dieux, la femme du vieux Saturne, le plus ancien des dieux. Célèbre par toute la terre, son culte empêchera l'homme de faire aucun cas d'une autre mère de Dieu, plus récente et moins féconde. Une seule ne lui suffit pas. Toutes les anciennes mythologies de l'Occident, comme toutes les mythologies actuelles de l'Orient, sont pleines de déesses mères de dieux.

« Sans doute que mon Ennemie fera parade de son enfant : l'orgueil d'une mère est de porter son enfant dans ses bras. Ce spectacle sera de nature à la faire aimer, elle et son Fils. » Et il invente Vénus, type de la beauté sensuelle ; entre ses bras, il lui met un fils, Cupidon, qui, avec ses flèches, allume l'amour dans tous les cœurs. Le genre humain tout entier prendra le change et croira que cette mère avec son enfant, n'est qu'une copie de Vénus et de Cupidon.

« On attribuera sans peine un grand crédit à mon Ennemie sur le cœur de Dieu. Le monde sera porté à l'implorer ; et cette confiance affermira son empire. » Et il invente Junon, la reine de l'Olympe, puissante sur le cœur de Jupiter, son époux, et le maître des dieux.

« Mon Ennemie sera secourable aux petits, aux malheureux, aux personnes de son sexe. Ses sanctuaires seront assiégés par des multitudes qui viendront lui exposer leurs besoins de l'âme et du corps. Les grâces obtenues populariseront son culte, et le mien tombera peu à peu dans le mépris. » Afin que personne n'ait recours à Marie, il invente Diane, déesse bienfaisante à tout le monde. Les bergers et les villageois l'invoqueront, parce qu'il sera reçu qu'elle préside aux forêts et aux montagnes. Les femmes enceintes auront recours à elle, ainsi que les voyageurs de nuit et ceux qui auront mal aux yeux, parce que, sous le nom de Lucine ou lumineuse, on croira qu'elle aide l'enfant à venir au jour, qu'elle dissipe les ténèbres et rend la vue aux aveugles (voir le Père d'Argentan, Grandeurs de la Sainte Vierge, t. III, c. xxv, § 11).

La pensée satanique de discréditer Marie n'a pas vieilli. Un missionnaire écrit de l'Inde : « Mariama-covil est un gros bourg, voisin de Tanjaour. Ses maisons se groupent autour de l'énorme pagode de Mariamel, fausse divinité, qui a donné son nom à la petite ville. Le démon furieux contre Celle qui lui a écrasé la tête, a voulu travestir le culte de notre bonne Mère du ciel. Il a donc inspiré à ses prêtres d'imaginer une déesse qui portât le nom de Marie, et de la présenter à leurs dupes comme une divinité malfaisante, que l'on ne doit chercher qu'à apaiser pour l'empêcher de faire du mal. Cet horrible blasphème contre la Mère de bonté est bien digne de l'enfer. Aussi ce bourg est-il un des boulevards du paganisme (Annales de la sainte Enfance, n, 89, p. 411, décemb. 1862). »

En un mot, bien des siècles avant la naissance de Marie, Satan remplit le monde païen d'un nombre infini de déesses et de demi-déesses, de Pallas, de Minerve, de Cérés, de Proserpine et cent autres qui, toutes ensemble, forment une immense contrefaçon de Marie, afin d'obscurcir sa gloire, comme une nuée de poussière cache la face du soleil.

Vains efforts ! « La très Sainte Vierge, dit Euthymius, a brisé les autels des idoles, renversé les temples des gentils, fait tarir les torrents de sang chrétien répandus dans toutes les parties du monde (Cingul. Mar.). » Satan ne se tient pas pour battu. Au moyen des hérésies, il recommence la lutte. Ici encore, ainsi que nous l'avons remarqué, tous ses efforts tendent à détruire le dogme du Verbe incarné, par conséquent, à détrôner Marie. Tentative désespérée ! Toutes les fois que l'antique serpent lève la tête, il sent le pied virginal de Marie qui l'écrase ; car il faut que l'anathème divin ait éternellement son effet : Ipsa conteret caput tuum. Jusqu'à la fin de l'épreuve réservée à la race humaine, la lutte recommencera sous un nom ou sous un autre, avec la même honte pour Satan et la même gloire pour Marie.






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