dimanche 19 juillet 2015

Sermon du Saint Curé d'Ars sur l'Enfer des Chrétiens


L'Enfer n'est pas vide et mieux vaut préparer son salut dès cette terre que de souffrir les pires tourments dans le brasier du Diable. Pour cela, les prêtres doivent avoir le courage de dire à leurs fidèles la vérité sur l'Enfer et la damnation.



SERMON DU SAINT CURÉ D'ARS SUR L'ENFER DES CHRÉTIENS - TROISIÈME DIMANCHE APRÈS L'ÉPIPHANIE (DEUXIÈME SERMON) :


Ibi erit fletus et stridor dentium.

Il y aura des pleurs ; et des grincements de dents. (Mt 8, 12)


Le PurgatoireNous lisons dans l'Évangile que, lorsque le Sauveur fut entré à Capharnaüm, un centenier vint le trouver, lui disant : « Seigneur, mon serviteur est malade dans ma maison, d'une paralysie dont il souffre beaucoup. » — « Eh bien ! lui dit ce bon Sauveur, j'irai et je le guérirai. » — « Ah ! mon Seigneur, lui dit le centenier, je ne suis pas digne que vous entriez dans ma maison ; mais dites seulement une parole, et mon serviteur sera guéri. Puisque moi qui suis un homme sujet à des commandements, cependant j'ai des soldats sous moi, je dis à l'un : Allez là, et il y va ; à un autre : Venez ici, et il vient ; et à mon serviteur : Faites cela, et il le fait. » Jésus l'ayant entendu parler ainsi en fut ravi d'admiration, et dit à ceux qui le suivaient : « Je vous dis en vérité que je n'ai point trouvé une foi si vive en tout Israël. C'est pourquoi je vous déclare que plusieurs viendront de l'Orient et de l'Occident et seront placés avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux, tandis que les enfants du royaume seront jetés dehors dans les ténèbres, et là, il y aura des pleurs et des grincements de dents. »
Qui est celui d'entre nous, M. F., qui, voulant bien se donner la peine de pénétrer le sens de ces paroles, ne se sentirait pas pénétré et saisi de frayeur jusqu'au désespoir en pensant que ce sont véritablement les mauvais chrétiens qui sont ces malheureux, qui seront chassés du royaume des cieux et jetés dans les ténèbres extérieures, c'est-à-dire, M. F., en enfer, où il y aura des pleurs et des grincements de dents : tandis que des idolâtres et des païens, qui n'ont jamais eu le bonheur de connaitre Jésus-Christ, ouvriront les yeux de l'âme, quitteront la voie de la perdition, viendront se ranger dans le sein de l'Église, et prendre la place que ces mauvais chrétiens ont perdue par le mépris des grâces qu'ils ont reçues. Mais ce n'est pas encore assez, M. F. Les chrétiens damnés souffriront en effet des tourments infiniment plus rigoureux que les infidèles. La raison en est que ces étrangers seront damnés en partie parce qu'ils n'ont jamais entendu parler de Jésus-Christ et de sa religion ; qu'ils ont vécu et qu'ils sont morts dans l'ignorance : tandis que les chrétiens ont vu, dès l'âge de raison, le flambeau de la foi briller devant eux comme un beau soleil et ont reçu des lumières plus que suffisantes pour connaître ce qu'ils devaient à Dieu, au prochain et à eux-mêmes. O enfer des chrétiens, que tu seras terrible et rigoureux ! Mais je vais vous dire, M. F., et pourrez-vous l'entendre sans frémir ? Qu'autant, le ciel est éloigné de la terre, autant l'enfer des infidèles sera éloigné de celui des chrétiens. Si vous en voulez savoir la raison. M, F., la voici. Si Dieu est juste, comme nous ne pouvons en douter, il doit punir une âme en enfer â proportion des grâces qu'elle a reçues et méprisées, des connaissances qu'elle avait pour servir Dieu. Après cela, il est donc bien juste qu'un chrétien damné souffre infiniment plus qu'un infidèle dans l'enfer, parce que les grâces, les moyens pour se sauver étaient infiniment plus grands. Pour nous faire sentir, M. F., la nécessité de profiter des grâces que nous recevons dans notre sainte religion, je vais vous montrer combien un chrétien damné sera plus tourmenté qu'un infidèle.
Pour vous faire comprendre, M. F., la grandeur des tourments qui sont réservés aux mauvais chrétiens, il faudrait être Dieu lui-même, parce qu'il n'y a que lui seul qui le comprenne, et les damnés seuls le sentent, puisque Dieu est infini dans ses punitions comme dans ses récompenses. Quand le bon Dieu me donnerait le pouvoir de traîner ici, à ma place, un infâme Judas qui a commis un horrible sacrilège en communiant indignement et en vendant son divin Maître, ce que font si souvent les mauvais chrétiens par leurs confessions et leurs communions indignes, son seul cri serait de me dire : Oh ! je souffre ! Triste langage qui ne peut exprimer ni la grandeur, ni la longueur de leurs souffrances ! O Enfer des chrétiens, que tu seras terrible ! puisque Jésus-Christ semble épuiser sa puissance, sa colère et sa fureur pour faire souffrir ces mauvais chrétiens. O Mon Dieu, peut-on bien y penser, et se sentir de ce nombre, et vivre tranquille ! Mon Dieu, quel malheur est comparable à celui de ces chrétiens ! — Mais, me direz-vous, d'après cela il semblerait qu'il y a plusieurs enfers. — Eh bien ! M. F., moi, je vous dirai que, si les souffrances et les tourments des damnés étaient les mêmes, Dieu ne serait pas juste.
Je dis de plus, qu'il y a autant d'enfers que de damnés, et que leurs souffrances sont grandes à proportion de la grandeur et du nombre des péchés qu'ils ont commis et des grâces qu'ils ont méprisées. Dieu, qui est tout-puissant, nous rend sensibles à notre malheur à proportion que le mal que nous avons fait est grand. Il en est des damnés comme des saints. Ceux-ci sont tous heureux, il est vrai ; cependant, il y en a qui sont plus élevés en gloire, et cela, selon les pénitences et les autres bonnes œuvres qu'ils ont faites pendant leur vie. Il en est de même des damnés : ils sont tous malheureux, tous privés de la vue de Dieu, ce qui est le plus grand de tous les malheurs ; car si un damné avait le bonheur de voir le Bon Dieu, tous les mille ans une fois, et cela pendant cinq minutes, son enfer cesserait d'être un enfer. Oui, M. F., le Bon Dieu nous rendra sensibles à cette privation et aux autres tourments, selon le nombre, la grandeur, et la malice des péchés que nous aurons commis. Dites-moi, M. F., pouvons-nous entendre, sans frémir, le langage de ces impies qui vous disent qu'ils aiment autant être damnés pour beaucoup que pour peu ?
Hélas ! malheureux, vous n'avez donc jamais pensé que plus vos péchés seront multipliés, et plus ils seront commis avec malice, plus vous souffrirez en enfer ? Delà je conclus, M. F., que les chrétiens qui ont péché avec plus de connaissance, qui ont été obligés tant de fois de se faire violence pour étouffer les remords de leur conscience, qui ont méprisé toutes ces saintes inspirations et tous ces bons désirs que Dieu leur a donnés, sont d'autant plus coupables ; il est donc bien juste, dis-je, que la justice de Dieu se fasse sentir plus rigoureusement sur eux que sur ces pauvres infidèles qui ont péché, en partie, sans connaître le mal qu'ils faisaient, et sans savoir celui qu'ils outrageaient, sans connaître la bonté et l'amour d'un Dieu pour ses créatures. Si les idolâtres, nous disent les saints, sont damnés pour avoir transgressé les lois de Dieu qu'ils ne connaissaient pas, des lois qu'ils n'ont pas connues, quelle sera donc la punition des chrétiens qui sentent si bien le mal qu'ils font, les devoirs qu'ils ont à remplir ? qui comprennent combien ils outragent Dieu, qui savent les maux qu'ils se préparent pendant l'éternité ; et qui, malgré tout cela, ne laissent pas de pécher ? Non, non, M.F., la puissance et la colère de Dieu semblent n'être pas assez grandes ni l'éternité assez longue pour punir ces malheureux. Oui, M.F., il me semble voir ces flammes allumées par la justice de Dieu se refuser à faire souffrir ces peines aux idolâtres et se tourner avec une fureur épouvantable sur ces malheureux chrétiens réprouvés. En effet, M. F., qui ne serait pas touché de compassion en voyant briller ces nations étrangères ? Ah ! doivent-elles s'écrier du milieu des flammes qui les dévorent : Mon Dieu, pourquoi nous avez-vous jetés dans ces abîmes de feu ? Nous ne savions pas ce qu'il fallait faire pour vous aimer. Si nous vous avons outragé, c'est que nous ne vous connaissions pas. Ah ! Seigneur, si l'on nous avait dit, comme aux chrétiens, tout ce que vous aviez fait pour nous, combien vous nous aimiez, ah ! non, jamais nous n'aurions eu le malheur de vous offenser. Hélas ! il me semble que je vois Jésus-Christ qui se bouche les oreilles pour ne pas entendre les cris de ces pauvres malheureux. Non, M. F., Jésus-Christ est trop bon pour ne pas se laisser toucher. S'il ne nous avait pas dit que, sans le baptême et hors de l'Église, nous ne pouvons pas espérer le ciel, pourrions-nous bien croire que ces pauvres âmes soient damnées sans avoir su ce qu'il fallait faire pour se sauver ? Non, M.F., il me semble que Jésus-Christ ne peut pas porter les yeux sur ces pauvres infortunées sans en être touché de compassion. Mais qu'elles se consolent dans leurs malheurs : les maux qu'elles vont endurer seront infiniment moins rigoureux que ceux des chrétiens. Mon Dieu ! pourra dire chacune d'elles, pourquoi m'avez-vous jeté dans ce feu ?
Mais, d'un autre côté, M. F., écoutez les cris, les hurlements des chrétiens damnés : Hélas ! que je souffre ! Je ne vois, je ne touche, et je ne sens, et je ne suis que feu. Ah ! si je suis damné, c'est bien par ma faute ; je savais bien tout ce qu'il fallait faire pour me sauver, et j'avais tous les moyens plus que nécessaires pour cela. Hélas ! en péchant, je savais très bien que je perdais mon Dieu, mon âme et le ciel, et que je me condamnais pour jamais à brûler dans les enfers ! Ah ! malheureux ! je suis bien puni parce que je l'ai voulu. Le Bon Dieu qui, tant de fois, m'a offert mon pardon et toutes les grâces qu'il me fallait pour cela, le Bon Dieu me poursuivait sans cesse par des remords de conscience qui me dévoraient et qui semblaient me forcer à sortir du péché, et je n'ai pas voulu, et je suis damné ! Je ne me suis servi de toutes les lumières que cette belle religion me fournissait, que pour pécher avec plus de malice. Oui, mon Dieu, dira ce chrétien pendant l'éternité, punissez-moi, c'est bien juste, parce que, si vous vous êtes incarné, si vous avez essuyé tant d'humiliations, tant de tourments, une mort si douloureuse et si honteuse, ce n'était que pour me porter à opérer le salut de mon âme. Toute cette belle religion que vous avez établie, oh vous versez avec tant d'abondances vos grâces pour les pécheurs, n'était que pour mon salut ; oui, mon Dieu, je savais tout cela.
Oui, M. F., un chrétien damné aura, pendant toute l'éternité, devant les yeux, toutes les bonnes pensées, tous les bons désirs, toutes les bonnes œuvres qu'il aurait pu faire et qu'il n'a pas faites, tous les sacrements qu'il n'a pas reçus et qu'il aurait pu recevoir, toutes les prières manquées, toutes les messes qu'il a mal entendues et qu'il aurait très bien pu entendre comme il faut, ce qui l'aurait grandement aidé à sauver sort âme. Oui, M. F., ce mauvais chrétien se rappellera toutes les instructions qu'il a manquées ou qu'il a méprisées, et par lesquelles il aurait si bien pu connaître ses devoirs. Ah ! disons mieux, M. F., tous ces souvenirs seront comme autant de bourreaux qui le dévoreront.
Eh bien ! M. F., de tout cela, le Bon Dieu n'aura rien à reprocher aux pauvres idolâtres. Non, M.F., ils ne savaient ce que c'était que de penser au Bon Dieu, ni de l'aimer, ni les moyens qu'il fallait employer pour aller au ciel ; ce qui a fait dire à plusieurs saints que tout ce que le Bon Dieu pouvait inventer pour faire souffrir les chrétiens damnés ne sera pas trop rigoureux pour eux, puisqu'ils connaissaient si bien ce qu'il fallait faire pour aller au ciel et plaire à Dieu. Voyez, M.F., s'il n'est pas juste que nous souffrions dans l'autre vie plus que les païens. Écoutez avec quelle malice le chrétien pèche sur la terre, avec quelle audace il se révolte contre Dieu. Oui, Seigneur, lui dit-il, je sais que vous êtes mon Dieu, mon créateur, que c'est vous qui avez souffert, qui êtes mort pour moi, qui m'avez aimé plus que vous-même, qui ne cessez de m'appeler à vous par votre grâce, par les remords de ma conscience et par la voix de mes pasteurs ; eh bien ! je me moque de vous et de toutes vos Grâces. Vous m'avez fait des commandements que vous ordonnez d'observer sous peine des châtiments les plus rigoureux : je me moque de vous, et de vos commandements, et de vos menaces. Vous m'avez donné toutes les lumières nécessaires pour comprendre toute la beauté de notre sainte religion et le bonheur qu'elle nous procure ; eh bien ! je ferai tout le contraire de ce qu'elle me commande. Vous me menacez que si je reste dans le péché j'y périrai, c'est précisément pour cela que je ne veux pas en sortir. Je sais très bien que vous avez institué des sacrements par lesquels nous pouvons si bien sortir de sa tyrannie : et non seulement je ne veux pas en profiter, mais je veux encore mépriser et railler ceux qui y auront recours, pour les porter à faire comme moi. Je sais que vous êtes réellement présent dans le sacrement adorable de l'Eucharistie, ce qui devrait me porter à ne paraître devant vous qu'avec un grand respect et un saint tremblement, surtout étant aussi pécheur que je le suis : malgré cela, je veux ne venir dans vos églises et au pied de vos autels que pour vous mépriser et me moquer de vous par mon peu de respect et de modestie. Oui, dira cette fille mondaine et perdue, je veux par mes parures et par mon air séduisant vous ravir l'honneur que l'on vous rend : je prendrai tous les moyens possibles pour vous ravir les cœurs ; je tâcherai d'allumer dans les cœurs, par mes manières infernales, les feux impurs qui vous les rendront un objet d'horreur. Vous voulez m'aimer ? Je ferai tout ce que je pourrai pour vous mépriser. Vous me dites que je serai heureuse, si je veux, pendant l'éternité, si je vous sers fidèlement ; mais que, si je fais le contraire, vous me jetterez dans les abîmes, où vous me ferez souffrir des maux sans fin : je me moque de l'un et de l'autre.
Mais, pensez-vous, nous ne disons pas cela en péchant ; nous péchons, il est vrai, mais nous ne tenons pas ce langage. — Mon ami, vos actions le disent, toutes les fois que vous péchez, connaissant le mal que vous faites. En doutez-vous, M. F. ? Dites-moi, quand vous travaillez le saint jour du dimanche, ou que vous faites gras les jours défendus, quand vous jurez, ou quand vous dites des paroles sales, vous savez très bien que vous outragez le bon Dieu, que vous perdez votre âme et le ciel, et que vous vous préparez un enfer. Vous savez bien qu'étant dans le péché, si vous n'avez pas recours au sacrement de pénitence, vous ne serez jamais sauvé. Allez, vieux pécheurs endurcis, allez, bourbier d'iniquité, les nations étrangères vous attendent pour vous montrer que, si vous avez fait le mal, vous le saviez très bien. D'après cela, M. F., il est donc bien juste qu'un chrétien qui pèche avec tant de connaissance et de malice, soit puni plus rigoureusement dans l'autre vie qu'un infidèle qui a péché, pour ainsi dire, sans savoir qu'il faisait le mal. Dites-moi, M. F., comptez-vous pour rien tous ces bienfaits dont le Bon Dieu vous a favorisé de préférence aux païens, et que vous avez méprisés ?
Ah ! M. F., que les tourments que le Bon Dieu prépare aux mauvais chrétiens sont affreux ! Pouvons-nous entendre sans frémir ce que nous dit saint Augustin, qu'il y a des chrétiens qui, seuls, en enfer, souffriront plus que des nations entières de païens, parce que, dit-il, il y a des chrétiens qui ont plus reçu de grâces à eux seuls que des nations entières d'idolâtres. Non, mes enfants, nous dit saint Jean Chrysostome, les péchés des chrétiens ne sont plus des péchés, mais des sacrilèges et des plus horribles, en comparaison des péchés des idolâtres. Non, non, mauvais chrétiens, leur dit-il, il n'est plus question de péchés chez vous, mais des sacrilèges les plus horribles.
Mais, pensez-vous, c'est bien fort ! — M. F., en voulez-vous la preuve ? La voici : qu'est-ce que c'est qu'un sacrilège ? — C'est, me direz-vous, la profanation d'une chose sainte, consacrée à Dieu, comme sont nos églises qui ne sont destinées qu'à la prière ; c'est une profanation, lorsque nous y paraissons sans respect, sans modestie, que nous y causons, rions ou dormons. C'est, me direz-vous, la profanation d'un ciboire qui est destiné à renfermer Jésus-Christ sous les espèces du pain, ou encore d'un calice, qui est sanctifié par l'attouchement du corps adorable de Jésus-Christ et de son sang précieux. — Eh bien ! nous dit saint Jean Chrysostome, nos corps sont tout cela par le saint baptême. Le Saint-Esprit en fait son temple par la sainte communion ; nos cœurs sont semblables à un ciboire qui renferme Jésus-Christ : « nos membres ne sont-ils pas les membres de Jésus-Christ (I Co 5, 15) ? » La chair de Jésus-Christ ne se mêle-t-elle pas avec la nôtre ? Son sang adorable ne coule-t-il pas dans nos veines ? Ah ! malheureux que nous sommes, avons-nous jamais fait ces réflexions, que, chaque fois que nous péchons, nous faisons une profanation et un sacrilège affreux ? Non, non, M.F., jamais nous n'avons arrêté notre pensée là-dessus, et si avant de pécher nous en étions convaincus, il nous serait impossible de pécher. Hélas ! mon Dieu, que le chrétien connaît peu ce qu'il fait en péchant !
Mais, me direz-vous, si tous ces péchés qui sont si communs dans le monde, sont des profanations et des sacrilèges si injurieux au bon Dieu, quel nom devons nous donner à ce que nous appelons sacrilège, et que nous commettons lorsque nous cachons nos péchés ou les déguisons par crainte ou par honte en nous confessant ? — Ah ! M. F., peut-on bien s'arrêter, sans mourir d'horreur, à la pensée d'un tel crime, qui jette la désolation dans le ciel et sur la terre ! Ah ! M. F., un chrétien peut-il bien porter sa fureur jusqu'à un tel excès, contre son Dieu et son Sauveur ? Un chrétien, M. F., qui aurait commis un seul sacrilège dans sa vie, pourrait-il encore vivre ? Oh ! non, M. F. : il n'y a plus de termes, ni d'expressions pour dépeindre la grandeur, la noirceur et l'horribilité d'un tel monstre. Un chrétien, dis-je, qui, au tribunal de la pénitence, où un Dieu a porté la grandeur de sa miséricorde au-delà de ce que jamais les anges mêmes pourront comprendre : ah ! que dis-je, un chrétien qui, tant de fois a éprouvé l'amour de son Dieu, pourrait-il bien se rendre coupable d'une telle atrocité envers un Dieu si bon ? Un chrétien, dis-je, à la table sainte, aura le cœur, le courage d'arracher son Dieu d'entre les mains du prêtre pour le traîner au démon ? Ah ! malheur épouvantable ! ah ! malheur incompréhensible ! un chrétien aura le barbare courage d'égorger son Dieu, son Sauveur, et son père le plus aimable ! Ah ! non, non, l'enfer, dans toute sa fureur, n'a jamais rien pu inventer de semblable ! O Anges du ciel, venez, venez au secours de votre Dieu qui est meurtri et égorgé par ses propres enfants ! Ah ! non, non, jamais l'enfer n'a pu porter sa fureur à un tel excès ! Ah ! Père éternel, comment pouvez-vous souffrir de telles horreurs contre votre divin Fils, qui nous a tant aimés, et qui a perdu si volontiers sa vie pour réparer la gloire que le péché nous avait ravie !
Un chrétien qui serait coupable d'un tel péché, pourrait-il même marcher, sans qu'il lui semble que la terre, à chaque instant, va s'ouvrir sous ses pieds pour l'engloutir dans les enfers ? Ah ! M.F. si la pensée d'un tel crime ne vous fait pas frémir d'horreur et ne glace pas le sang dans vos veines, hélas ! vous êtes perdus ! ah ! non, non, plus de ciel pour vous, le ciel vous a rejetés ! Non, non, M.F., i1 n'y a point de châtiment assez grand pour punir un tel crime, qui étonne les démons eux-mêmes ! Venez, malheureux, venez, vieux infâmes, nous dit saint Bernard, venez, bourreaux de Jésus-Christ. Quoi, malheureux ! vous avez commis un sacrilège, vous sur qui l'on a fait ruisseler le sang adorable de Jésus-Christ dans le tribunal de la pénitence ! Malheureux, nous dit-il, vous avez caché vos péchés, vous avez eu la barbarie d'aller vous asseoir à la table sainte pour y recevoir votre Dieu ! Arrêtez ! arrêtez ! ah ! monstre d'iniquité, ah ! de grâce, épargne ton Dieu ! ah ! non, non, jamais l'enfer ne peut porter sa fureur jusqu'à un tel excès. Ah ! M. F., si des nations étrangères souffrent déjà des tourments si affreux en enfer, quelle sera donc la grandeur des tourments des chrétiens et des chrétiennes qui, tant de fois pendant leur vie, ont commis des sacrilèges. Ah ! non, non, M. F., l'enfer ne sera jamais assez rigoureux, ni l'éternité assez longue pour punir ces monstres de cruauté. Oh ! quel spectacle, nous dit le grand Salvien, de voir des chrétiens en enfer ! Hélas ! nous dit-il, que sont devenues ces brillantes lumières et toutes ces belles qualités qui semblaient rendre les chrétiens presque semblables aux anges ? O Mon Dieu, peut-on bien concevoir quelque chose de plus effrayant ! un chrétien en enfer ! un baptisé trouvé parmi les démons ! un membre de Jésus-Christ dans les flammes ! dévoré par les esprits infernaux ! un enfant de Dieu entre les dents de Lucifer !
Venez, nations étrangères, venez, peuples malheureux, qui n'avez jamais connu celui que vous avez offensé et qui vous a jetés dans les flammes, venez ; il est juste que vous soyez les bourreaux de ces chrétiens réprouvés, qui avaient tant de moyens d'aimer Dieu, de lui plaire, et de gagner le ciel, et qui n'ont passé leur vie qu'à faire souffrir Jésus-Christ, lui qui a tant désiré de les sauver ! Venez écouter Jésus-Christ lui-même, qui nous dit qu'au jugement, les Ninivites qui étaient une nation infidèle, oui, nous dit-il, les Ninivites se lèveront contre ces peuples ingrats et les condamneront. Ces Ninivites, à la seule prédication de Jonas, qui leur était inconnu, font pénitence et quittent le péché (Mt 12, 41) ; et des chrétiens à qui cette parole sainte a tant de fois été prodiguée ; oui, cette parole divine, qui n'a cessé de retentir à leurs oreilles, mais, hélas ! qui n'a pas frappé leur cœur endurci, ces chrétiens ne se sont pas convertis. Hélas ! M. F., si tant de grâces, tant d'instructions, tant de sacrements avaient été donnés aux pauvres idolâtres, que de saints, que de pénitents, qui auraient peuplé le ciel ! tandis que tous ces biens ne serviront qu'à vous endurcir davantage dans le crime.
Ah ! terrible moment où Jésus-Christ va décider les différents degrés de souffrance que nous endurerons dans les enfers ! Hélas ! M. F., cela se fera à proportion des grâces que nous avons reçues et méprisées. Oui, autant de grâces reçues et méprisées et autant de degrés plus profonds en enfer. Oui, M. F., une seule grâce aurait suffi à un chrétien pour le sauver, s'il avait voulu en profiter, et il en aura reçu et méprisé des mille et des mille ! Hélas ! M. F., si chaque grâce méprisée sera un enfer pour un chrétien, ah ! mon Dieu, quel malheur éternel pour ces mauvais chrétiens ! Hélas ! M.F., il faudrait pouvoir entendre ces chrétiens réprouvés du milieu des flammes où la justice de Dieu les a précipités ! Ah ! si du moins, disent-ils, nous n'avions jamais été chrétiens, quoique nous fussions damnés comme ces infidèles, du moins nous pourrions nous consoler, parce que nous n'aurions pas su ce qu'il fallait faire pour nous sauver ! Que de grâces de moins nous aurions reçues et que nous n'aurions pas méprisées. Mais, malheureux que nous sommes, nous avons été chrétiens, environnés de lumières et inondés de grâces pour nous conduire et nous aider à nous sauver. Hélas ! dira chacun d'eux, ces tristes tableaux seront sans cesse devant moi pendant l'éternité ! Moi, dont le nom a été écrit dans le livre des Saints, moi qui ai été au baptême tout arrosé du sang précieux de Jésus-Christ, moi qui pouvais à chaque instant sortir du péché et m'assurer le ciel, moi à qui tant de fois l'on a fait entendre la grandeur de la justice de Dieu pour les pécheurs et surtout pour les chrétiens réprouvés. Ah ! si du moins, l'on m'avait ôté la vie avant de naître, je n'aurais jamais été dans le ciel, il est vrai ; mais, au moins je ne souffrirais pas tant dans l'enfer. Ah ! si Dieu n'avait pas été si bon et qu'il m'eût puni dès mon premier péché, je serais en enfer, il est vrai ; mais j'y serais moins profond et mes tourments seraient moins rigoureux. Hélas ! je reconnais bien à présent que tout mon malheur ne vient que de moi. Oui, M. F., chaque réprouvé et chaque nation auront leur tableau devant les yeux, et cela pendant toute l'éternité, sans jamais pouvoir ni s'en défaire, ni s'en détourner.
Hélas ! ces pauvres nations idolâtres verront pendant toute l'éternité que leur ignorance a été en partie cause de leur perte. Ah ! se diront-ils les uns aux autres, ah ! si le Bon Dieu nous avait fait autant de grâces et autant de lumières qu'à ces chrétiens ! Ah ! si nous avions eu le bonheur d'être instruits comme eux ! Ah ! si nous avions eu des pasteurs pour nous apprendre à connaître et à aimer le Bon Dieu qui nous a tant aimés et qui a tant souffert pour nous ! Ah ! si l'on nous avait dit combien le péché outrage Jésus-Christ et combien la vertu est d'un grand prix aux yeux de Dieu, aurions-nous pu commettre le péché, aurions-nous pu mépriser un Dieu si bon ? N'aurions-nous pas mille fois préféré mourir que de lui déplaire ? Mais, hélas ! nous n'avions pas le bonheur de le connaître ; si nous sommes damnés, hélas ! c'est que nous ne savions pas ce qu'il fallait faire pour nous sauver. Oui, nous avons eu le malheur de naître, de vivre et de mourir dans l'idolâtrie. Ah ! si nous avions eu le bonheur d'avoir des parents chrétiens qui nous eussent fait connaître la véritable religion, aurions-nous pu nous empêcher d'aimer le Bon Dieu ? Si, comme les chrétiens, nous avions été témoins de tant de prodiges qu'il a opérés pendant sa vie mortelle et qu'il continue jusqu'à la fin des siècles, lui qui, en mourant, leur a laissé tant de moyens de se relever de leurs chutes quand ils avaient le malheur d'avoir péché ; si nous avions eu le sang adorable de Jésus-Christ qui coulait chaque jour sur leur autel, pour demander grâce pour eux ! Oh ! ces heureux chrétiens à qui l'on avait tant de fois raconté la miséricorde de Dieu, qui est infinie ! Oh ! Seigneur, pourquoi nous avez-vous jetés en enfer ? De grâce, arrêtez votre justice, mon Dieu, si nous vous avons offensé, c'est que nous ne vous connaissions pas.
Dites-moi, M. F., pouvons-nous bien ne pas être touchés des tourments de ces pauvres idolâtres ? Pauvres malheureux, il est vrai que vous souffrez et que vous êtes séparés de Dieu, qui aurait fait tout votre bonheur ; mais consolez-vous d'autant, vos tourments seront infiniment moins rigoureux que ceux des chrétiens. Mais, M. F., que vont penser et devenir ces chrétiens en considérant leur tableau où seront marquées toutes les grâces qu'ils auront reçues et méprisées ? Hélas ! que dis-je, des chrétiens qui se verront rougir et noircir de tant de crimes et de sacrilèges : ah ! c'en est assez pour leur servir d'enfer. Ils voudraient pouvoir détourner leur face d'un autre côté pour être moins dévorés par le regret ; mais Jésus-Christ les forcera pour jamais, de sorte que cette seule vue suffirait pour leur servir d'enfer et de bourreau. Que pourront-il, dire pour s'excuser et adoucir un peu leurs tourments ? Hélas ! M. F., rien du tout ; au contraire, tout contribuera à augmenter leur désespoir ; ils verront que ni les grâces ni les autres moyens de salut ne leur ont manqué, qu'au contraire, tout leur a été prodigué ; et ils verront que tous ces biens, qui auraient tant sauvé de pauvres sauvages, n'ont servi qu'à les damner. Ah ! se diront-ils, si du moins nous étions restés dans le néant. Ah ! quel malheur pour nous d'avoir été chrétiens !
— Non, M. F., nous ne pouvons penser à ce qui arriva à ces pauvres Égyptiens (Exode) sans être touchés de compassion. Ils périrent tous en passant la Mer Rouge, regorgèrent l'eau par la bouche et furent tous engloutis ; cette mer qui, tant de fois, les avait portés sur ses eaux par de si heureuses navigations, cette mer devint le moyen même de leur supplice et les exposa à la risée de leurs ennemis, à qui elle venait d'ouvrir un libre passage pour les sauver de leurs mains.
Mais, hélas ! M. F., le spectacle que nous présente un chrétien réprouvé est bien plus désolant. Pendant toute l'éternité, l'on verra ces chrétiens damnés, on les verra rendre par la bouche toutes les grâces qu'ils ont reçues et méprisées pendant toute leur vie. Hélas ! M. F., l'on verra sortir de ces cœurs sacrilèges ces torrents du sang divin qu'ils ont reçu et horriblement profané. Mais, nous dit encore saint Bernard, ce qui donnera encore un nouveau degré de tourments à ces chrétiens damnés, c'est que, pendant toute l'éternité, ils auront devant les yeux tout ce que Jésus-Christ a souffert pour les sauver, et réfléchiront que malgré cela ils se sont damnés. Oui, nous dit-il, ils auront devant les yeux toutes les larmes que ce divin Sauveur a répandues, toutes les pénitences qu'il a faites, tous ses pas et tous ses soupirs, et tout cela pour les rendre meilleurs. Ils verront Jésus-Christ, tel qu'il était dans cette crèche quand il est né, et qu'il a été couché sur une poignée de paille ; tel qu'il était au jardin des Oliviers, où il a tant pleuré leurs péchés, et même avec des larmes de sang. Il se montrera comme dans son agonie, et quand on le traînait par les rues de Jérusalem. Ils croiront l'entendre clouer sur la croix, demander miséricorde pour eux : et par là, il leur montrera combien leur salut lui avait coûté cher, et combien il a souffert pour leur mériter le ciel, qu'ils ont perdu avec tant de gaieté de cœur et même de malice. Ah ! M. F., quels regrets ! hélas ! quel désespoir pour ces chrétiens réprouvés ! Ah ! crieront-ils du fond des flammes, adieu, beau ciel, c'est pour nous que vous avez été créé, et nous ne vous verrons jamais ! Adieu, belle cité qui deviez être notre demeure éternelle et faire tout notre bonheur ! Ah ! si nous vous avons perdue, c'est, par notre faute et notre malice.
Oui, M. F., voilà la triste méditation d'un chrétien pendant toute l'éternité dans les enfers. Non, M.F., les païens n'auront presque rien de tout cela à se reprocher ; ils n'auront pas à regretter le ciel puisqu'ils ne le connaissaient pas ; ils n'ont pas refusé et méprisé les moyens qu'on leur présentait pour se sauver, puisqu'ils ignoraient ce qu'il fallait faire pour arriver à ce bonheur. Mais des chrétiens, que l'on n'a pas cessé d'instruire, de presser et de solliciter à ne pas se perdre, et à qui l'on a présenté tant de fois tous les moyens les plus faciles pour arriver à la vie heureuse pour laquelle ils étaient créés ! Oui, M. F., un chrétien se dira perdant l'éternité : Qui est-ce donc qui m'a jeté en enfer ? Est-ce Dieu ? Ah ! non, non. Ce n'est pas Jésus-Christ ; au contraire, il voulait absolument me sauver. Est-ce le démon ? Oh non, non, je pouvais bien ne pas lui obéir, comme tant d'autres ont fait. Sont-ce donc mes penchants ? Ah ! non, non, ce ne sont pas mes penchants ; Jésus-Christ m'avait donné l'empire sur eux, je pouvais les dompter avec la grâce de Dieu qui ne m'aurait jamais manqué. D'où peuvent donc venir ma perte et mon malheur ? Hélas ! tout cela ne vient que de moi-même, et non de Dieu, ni du démon, ni de mes penchants. Oui, c'est moi-même qui me suis attiré tous ces malheurs ; oui, c'est moi qui me suis perdu et réprouvé de ma propre volonté ; si j'avais voulu, je me serais sauvé. Mais je me suis damné ! plus de ressource et plus d'espérance ; oui, c'est ma malice, mon impiété et mon libertinage, qui m'ont jeté dans ces torrents de flammes d'où je ne sortirai jamais.
Oui, M. F., si la parole de Dieu mérite quelque croyance, je vous conjure de penser sérieusement, à cette vérité qui a converti tant d'âmes. Et pourquoi est-ce qu'elle ne produirait pas les mêmes effets sur nous ? Pourquoi ne tournerait-elle pas à notre bonheur plutôt qu'à notre malheur, si nous voulons en profiter ? Oui, M. F., ou nous changeons de vie, ou nous serons damnés : parce que nous savons très bien que notre manière de vivre ne peut pas nous conduire au ciel. Hélas ! M. F., il nous arrivera comme au pauvre Joab, qui, pour éviter la mort, s'enfuit dans le temple et embrassa l'autel dans l'espérance qu'on l'épargnerait, parce qu'autrefois il avait été le favori de David ; ce fut cependant par son ordre qu'il fut mis à mort. Celui qui était chargé de le tuer lui cria : Sortez de là. — Non, répond le pauvre Joab ; s'il faut mourir, je préfère mourir ici. Le soldat, voyant qu'il ne pouvait pas l'arracher de l'autel, tira son poignard, le lui plongea dans le sein, et ce pauvre Joab en baisant l'autel, reçut le coup de la mort et tomba au pied du tabernacle, qu'il avait pris pour sa défense et son asile. Voilà, M.F., précisément ce qui nous arrivera un jour, si nous ne mettons pas à profit, ou plutôt, si nous continuons à mépriser les grâces de salut qui nous sont tant prodiguées. Maintenant, nous sommes comme Joab, qui était le favori et l'ami de David. Il ne se passait presque pas un jour, sans qu'il éprouvât quelque nouveau bienfait de la part du prince. Il était préféré à tous les autres sujets ; mais il eut le malheur de ne pas savoir en profiter et il fut puni sans miséricorde par celui-là même de qui il avait été comblé de tant de bienfaits. Oui, M. F., il en sera tout de même de nous qui avions été préférés à tant de nations infidèles qui vivent dans les ténèbres et qui n'ont jamais eu le bonheur de connaître la vérité, c'est-à-dire la véritable religion, et qui périssent dans cet état triste et malheureux. Mais aussi, M. F., à quel châtiment ne devons-nous pas nous attendre de la part même de Celui qui nous a tant aimés et comblés de tant de bienfaits, si, comme Joab, nous avons eu le malheur de tremper nos mains dans le sang d'Abner, c'est-à-dire, de Jésus-Christ, ce que nous faisons chaque fois que nous péchons ; mais bien plus horriblement quand nous sommes assez malheureux que de profaner les sacrements. O mon Dieu, peut-on y penser et ne pas mourir de frayeur ? O Mon Dieu, comment se peut-il faire qu'un chrétien ose porter si loin sa cruauté et son ingratitude ?
Ah ! malheureux, nous dit, saint Augustin, tu vas de crime en crime, toujours dans l'espérance que tu t'arrêteras ! Mais ne craindras-tu pas de mettre le sceau à ton malheur ? Oh ! que les derniers sacrements et tous les secours de l'Église servent peu a ces pécheurs qui ont vécu en méprisant les grâces que nous procure notre sainte religion ! Oui, le moment viendra où peut-être vous recevrez vos derniers sacrements avec de meilleures dispositions aux yeux du monde ; mais en les recevant, il vous arrivera comme à Joab. Jésus-Christ, qui est notre prince et notre Seigneur, prononcera votre sentence de réprobation. Au lieu de vous servir de viatique pour le ciel, la communion ne sera pour vous autre chose qu'une masse de plomb pour vous précipiter avec plus de rapidité dans les abîmes ; vous tiendrez comme Joab l'autel, vous serez, comme lui, tout couvert du sang adorable de Jésus-Christ ; avec cela vous tomberez en enfer.
Ah ! M. F., si nous pouvions une fois bien comprendre ce que c'est qu'un chrétien damné et les tourments qu'il endure, pourrions-nous bien vivre dans le péché, dans cet état qui nous expose sans cesse à tous ces malheurs ? Non, non, M. F., notre vie n'est nullement la vie que doit mener un chrétien qui veut éviter ces supplices. Eh quoi ! M. F., d'une part, un chrétien qui est né dans le sein de l'Église, qui a été élevé à l'école de Jésus-Christ même, qui a pris un Dieu crucifié pour son père et son modèle ; un chrétien, tant de fois nourri de son corps adorable et abreuvé de son sang précieux, qui devrait passer sa vie comme un ange du ciel en Action de grâces : d'autre part, un Dieu qui est descendu du ciel pour venir lui apprendre les moyens d'être heureux en l'aimant sur la terre ; un chrétien qui est doué de tant de belles qualités et de tant de connaissances sur la grandeur de sa destinée ; et un Dieu, dis-je, qui l'a aimé plus que lui-même ; un Dieu qui semble avoir épuisé son amour et sa sagesse et toutes ses richesses pour les lui communiquer, et qui, par sa mort, lui évite une mort éternelle ! Ah ! M. F., un chrétien pour qui Dieu a tant fait de miracles, pour qui Dieu a tant souffert, se voir brûler en enfer parmi les démons qui vont le traîner pendant toute l'éternité dans les flammes ! O horreur ! O malheur épouvantable! Oh ! le spectacle effrayant de voir ainsi un chrétien qui est tout couvert du sang adorable de Jésus-Christ ! Hélas ! M. F., qui pourrait penser à cela sans frémir ? Cependant, voilà le partage d'un nombre infini de chrétiens qui se raillent des sacrements et méprisent tout ce que Jésus-Christ a fait pour eux ; et bien malheureux sommes-nous, si nous ne voulons pas profiter de tant de moyens que nous avons de nous assurer le ciel ! Les nations étrangères ouvriront les yeux de l'âme à la lumière de la foi, et elles viendront prendre la place que nous perdons.
Hélas ! M. F., que nous avons lieu de craindre que le Bon Dieu, en punition du mépris que nous faisons de tout ce que Jésus-Christ a fait pour nous, ne nous ôte la foi de notre cœur, et ne nous laisse tomber dans l'aveuglement et y périr ! O Mon Dieu, quel malheur pour des chrétiens qui connaissent si bien ce qu'il faut faire pour se sauver, qui, même, ici-bas, en ne le faisant pas, ne peuvent être que bien malheureux par les remords que leur donne leur conscience ! Ah ! M. F., quel désespoir pendant l'éternité pour un chrétien à qui rien n'a manqué pour éviter tous ces tourments qu'il endure ! Ah ! se dira-t-il, moi à qui l'on a dit tant de fois que, si je le voulais, je pourrais aimer le bon Dieu et sauver mon âme et me rendre heureux pendant l'éternité ; moi à qui l'on a offert toutes les grâces pour sortir du péché ! Ah ! si du moins, je n'avais pas été chrétien. Ah ! si dit moins l'on ne m'avait jamais parlé du service de Dieu et de sa religion ? Mais non, rien ne m'a manqué, j'avais tout et je n'ai su profiter de rien. Tout devait tourner à mon bonheur, et, par le mépris que j'en ai fait, tout a tourné à mon malheur : adieu, beau ciel ! adieu, éternité de délices ! adieu, heureux habitants du ciel ! tout est fini pour moi ! Plus de Dieu, plus de ciel, plus de bonheur ! Oh ! que de larmes je vais répandre ! Oh ! que de cris je vais pousser dans ces flammes ! Mais plus d'espérance ! Ah ! triste pensée qui déchirera un chrétien pendant l'éternité ! Ah ! ne perdons pas un moment pour éviter ce malheur. C'est le bonheur que je vous souhaite.



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